By Swissquote Analysts
L'inflation, la tueuse de bulle

S'il est un catalyseur capable de tuer l'optimisme boursier, c'est bien la Réserve fédérale et sa gestion de l'inflation. Oubliez la pandémie et la politique, parce qu'en fin de compte, la banque centrale américaine étant tenue par son double mandat de maintenir la stabilité des prix, si l'inflation grimpe, elle devra fermer le robinet.
Tous les signes avant-coureurs d'une hausse de l'inflation sont présents aux États-Unis. Pourtant, l'inflation elle-même est absente.
Tout semble pointer vers une montée inflationniste. D'après les dernières données économiques, les entreprises comptent relever les prix après la pandémie et répercuter l'augmentation sur les consommateurs. Certains mouvements caractéristiques du marché obligataire laissent penser que des investisseurs majeurs anticipent un accroissement de l'indice des prix à la consommation (IPC).
Mais les signaux ont beau être au rouge, aucune progression sensible de l'IPC n'est intervenue aux États-Unis ou dans une autre grande économie. De fait, selon les statistiques de décembre 2020, les États-Unis n'ont enregistré qu'une modeste hausse de 1,4 % des biens et des services. Les responsables de la Réserve fédérale ont affirmé qu'une inflation faible pouvait être plus dommageable qu'une flambée des prix, en ce qu'elle témoigne d'une économie à la peine et en stagnation.
La reprise américaine en V devrait bénéficier d'un coup de fouet bienvenu sous l'effet de l'arrivée au pouvoir de l'administration Biden. Celle-ci a suscité un regain de confiance grâce à l'annonce d'un plan de relance de 1900 milliards $ et à l'organisation d'une campagne de vaccination rapide contre le COVID-19. La soudaine demande de consommation en résultant déclenchera une pression à la hausse sur les prix, les entreprises et les commerces tentant de récupérer les pertes subies pendant la pandémie.
Il est cependant peu probable que l'impact subséquent sur l'inflation change la politique de longue date de la Fed pour l'instant. Une augmentation modérée indique une croissance et une économie en voie de redressement. Le défi reste d'atteindre et de maintenir une inflation de 2 %, sans trop dépasser ce niveau, accompagnée de prix stables, d'une production maximum et du plein emploi.
Une question se pose : pourquoi les gros investisseurs sont-ils nerveux, alors que la Réserve fédérale demeure sereine ? La réponse tient en partie à la confiance de la banque centrale dans la stratégie ajustée qu'elle a mise en place au troisième trimestre 2020. Le nouveau ciblage souple de l'inflation moyenne est destiné à conserver des taux d'intérêt bas plus longtemps, en absorbant la hausse de l'inflation parallèlement à la reprise de l'emploi, d'où une stimulation constante de l'économie.
La Fed retardera le resserrement le plus longtemps possible. Mais si l'inflation s'envole, elle devra agir.
Son président Jerome Powell a évoqué la possibilité de pressions sur les prix dans les mois à venir, qui pourraient être dues à une hausse de l'énergie, ainsi qu'aux plans d'aide massifs engagés pour permettre aux États-Unis de traverser la crise sanitaire. Il a été noté que des dépenses trop soudaines entraînaient des poussées temporaires, mais fortes de l'inflation.
À ce jour, le risque d'un "taper tantrum" - expression créée en 2013 par référence à la flambée des rendements des bons du Trésor américains à l'annonce d'un resserrement monétaire -, paraît bas, mais il n'en faut pas moins rester vigilants. La Fed a ouvertement assuré qu'aucun ajustement ne serait apporté à sa position ultra-accommodante, y compris à son programme musclé d'achat d'obligations de 120 milliards $ par mois, jusqu'à la réalisation de progrès substantiels sur la voie de ses objectifs de plein emploi et d'inflation à 2 %.
Les actions et les actifs à risque se trouvant à des plus hauts records, il suffit aux investisseurs qui attendent une correction boursière de se tourner vers les banques centrales. Nous restons fidèles à l'adage selon lequel les marchés haussiers ne meurent pas de vieillesse, mais sont tués par la Réserve fédérale.
Par le passé, un relèvement graduel des taux centraux ne provoquait pas de panique, surtout quand d'autres institutions monétaires, telles que la Banque centrale européenne et la Banque du Japon, restaient accommodantes. Néanmoins, le consensus est qu'un abaissement des taux à zéro n'entraîne pas une valorisation beaucoup plus importante des actifs qu'auparavant, notamment compte tenu des pressions sur l'activité économique et les bénéfices pour atteindre les multiples attendus aujourd'hui.
Si la courbe à terme des marchés obligataires est correcte, on peut s'attendre à ce que la Fed et d'autres banques centrales commencent à réévaluer leur politique monétaire dans les neuf à douze mois à venir.
Si l'on se réfère à 2016, les investisseurs avertis devraient surveiller de plus près ce que les autorités monétaires, dont la Fed, font, plutôt que ce qu'ils disent.