
7 entreprises qui vous (re)connaissent
Aux côtés des géants du numériques, une multitude d’entreprises développent des solutions biométriques. Notre sélection.
Image : En août 2019, une personne enregistre ses deux iris, à Barpeta en Inde, pour entrer dans le registre national des citoyens dans le cadre du projet Aadhaar auquel a contribué la firme japonaise NEC.
Par Bertrand Beauté
Fin juillet, le Miami Valley Regional Crime Laboratory a annoncé avoir choisi le logiciel de biométrie Aware ABIS (Automated Biometric Identification System) pour résoudre des crimes. Hebergé dans le cloud, ce logiciel permet d’identifier les personnes en fonction de leurs empreintes digitales ou palmaires, ainsi que par reconnaissance faciale ou de l’iris.
Grâce à ce contrat, les technologies de la firme Aware sont désormais en usage dans 26 des 50 États américains. Outre leur emploi par la police, les logiciels de Aware servent aussi pour la vérification des identités aux frontières ou pour les processus de paiements et divers services financiers. Selon les chiffres de l’entreprise, les logiciels de Aware sont utilisés par une centaine de sociétés dans le monde et 80 agences gouvernementales. Sur les six premiers mois de l’année 2023, les revenus de l’entreprise s’affichent néanmoins en baisse, à 7,49 millions de dollars contre 8,93 millions un an plus tôt (-16%). Un recul lié à la diminution des ventes de licence de logiciel, alors que les revenus récurrents liés à la maintenance des logiciels déjà vendus sont restés presque constants. Si Aware n’explique pas la raison de cette baisse des ventes, l’entreprise estime qu’elle n’est que temporaire et mise toujours sur une augmentation de son chiffre d’affaires de 15% sur l’ensemble de l’année 2023 par rapport à 2022.
Supprimer les mots de passe. C’est la mission que s’est donnée la petite entreprise américaine Bio-Key. Pour des questions de sécurité, de nombreuses sociétés exigent que leurs employés changent de mot de passe régulièrement. Une pratique contraignante qui peut s’avérer contreproductive. En effet, ne pouvant retenir des mots de passe qui changent continuellement, les employés ont souvent tendance à les noter sur des papiers qu’ils laissent traîner à côté de leur ordinateur ou à les oublier, ce qui les poussent à solliciter leur centre d’assistance pour en obtenir un nouveau. Afin de régler ce problème, Bio-Key a développé des lecteurs d’empreintes digitales qui se branchent directement sur les ordinateurs, permettant de supprimer les mots de passe.
Parmi les clients de l’entreprise, on trouve aussi bien des services publics comme la ville de Sacramento, des écoles (Unity College) que des banques comme The First National Bank of Long Island. Au cours de l’année 2022, le chiffre d’affaires de Bio-Key a bondi de 37% par rapport à 2021 pour atteindre 7 millions de dollars. Le seul analyste qui suit l’entreprise recommande d’acheter le titre.
Peu de gens dans le monde connaissent l’entreprise suédoise Fingerprint Cards. Et pourtant, chaque jour, des milliards de personnes posent leur doigt sur un capteur vendu par cette société. En effet, Fingerprint Cards développe des systèmes biométriques complets comprenant le lecteur d’empreintes digitales, le microcontrôleur (MCU), l’algorithme et le logiciel. Ces produits sont ensuite intégrés dans des smartphones et des tablettes, notamment pour les marques Xiaomi, Huawei, Motorola et Google, ainsi que des ordinateurs Lenovo, Acer ou encore Asus. Au total, plus de 700 modèles de smartphones et tablettes vendus dans le monde intègrent un capteur produit par Fingerprint Cards.
Dans ce contexte, la baisse des ventes de smartphones dans le monde, qui ont chuté de 11,3% en 2022, à 1,2 milliard d’unités contre 1,39 milliard un an plus tôt, a eu un effet catastrophique sur le chiffre d’affaires de l’entreprise. En 2022, celui-ci s’est établi à 861,8 millions de couronnes suédoises contre 1,356 milliard en 2021 (-36%). Afin de réduire sa dépendance au secteur de l’électronique grand public, Fingerprint Cards tente de se diversifier, notamment dans le domaine du paiement par empreintes digitales. Dix banques dans le monde ont ainsi lancé un service de paiement avec le doigt utilisant le système de l’entreprise suédoise et 24 autres mènent actuellement des tests, parmi lesquelles BNP Paribas, la Royal Bank of Scotland et la Bank Pocztowy.
C’est devenu une habitude depuis le covid. Lorsque l’on paye dans un magasin, la plupart du temps, on ne tape plus son code PIN. On approche simplement sa carte de crédit du terminal et l’opération s’effectue automatiquement. Mais si le paiement sans contact s’est démocratisé ces dernières années, il pose des problèmes de sécurité. En effet, n’importe qui peut payer sans contact avec la carte d’une autre personne. Pour résoudre ce problème, la petite société norvégienne Idex Biometrics a développé un capteur d’empreintes digitales intégré aux cartes de paiement.
Concrètement, pour payer sans contact, il faut en même temps poser son doigt sur le capteur afin d’être authentifié formellement. Si le doigt du propriétaire n’est pas dessus, aucun paiement ne peut se faire. Plus de 20 fabricants de cartes de paiement dans le monde, représentant 2,5 milliards de cartes, travaillent actuellement au développement de cartes de paiement biométriques. Douze d’entre eux, représentant un milliard de cartes, ont retenu la technologie de Idex Biometrics.
Parmi eux, le géant japonais Toshiba, le français Idemia et l’autrichien Tag Systems. Actuellement, neuf banques dans le monde ont lancé commercialement des cartes de paiement biométriques utilisant la technologie de Idex, notamment l’italienne Sella, la suédoise Rocker et la First Abu Dhabi Bank (Émirats arabes unis). Si ce marché est seulement naissant, il s’affiche en pleine croissance. Sur les six premiers de l’année, les revenus de Idex ont augmenté de 29% par rapport à la même période un an plus tôt.
Pour la deuxième année consécutive, le cabinet d’analyse Frost & Sullivan a décerné à NEC Corporation le titre de leader mondial des solutions d’authentification biométriques en février 2023. Il faut dire que le conglomérat japonais maîtrise l’ensemble de la chaîne de valeur (des capteurs jusqu’aux logiciels) et cela dans six modalités biométriques différentes (reconnaissance faciale, reconnaissance de l’iris, reconnaissance des empreintes digitales et palmaires, reconnaissance vocale et authentification par l’oreille), de quoi couvrir l’ensemble du marché.
Parmi les réalisations les plus importantes de l’entreprise en la matière, NEC a participé au plus vaste programme d’identification multi-biométrique au monde : le projet Aadhaar, en Inde. Lancé en 2010, ce programme visait à fournir aux 1,4 milliard d’indiens (17% de la population mondiale !) un numéro d’identité unique à douze chiffres dans un pays où, jusque-là, la plupart des habitants ne possédaient pas de papiers d’identité. Mais avant de recevoir ce précieux sésame qui s’accompagne de l’ouverture d’un compte bancaire, chaque personne devait fournir trois données biométriques : les dix empreintes digitales de la main, les deux iris et une photo-portrait. Deux entreprises se sont partagées ce business : le français Safran, qui a assuré 75% des enregistrements via ses filiales L1 et Safran Identity & Security (devenue Idemia), et Nec qui s’est chargé du quart restant de la population. Si la quasi-totalité de la population indienne possède désormais une Aadhaar Card, ce programme reste controversé, particulièrement depuis que le gouvernement indien a lancé un appel d’offres pour mettre en place un système de reconnaissance faciale qui associerait la gigantesque base de données d’Aadhaar, qui recense les visages de toute la population, avec le réseau national de caméras de vidéo-surveillance.
« SenseTime is watching you ! » Si une entreprise devait concentrer toutes les craintes de la biométrie, il s’agirait peut-être de la société chinoise SenseTime. Fondée en 2014, la firme conçoit des applications de reconnaissance faciale et d’images, ainsi que des algorithmes d’intelligence artificielle, servant notamment à la surveillance des foules et à la vérification d’identité. Les caméras et le logiciel de SenseTime sont ainsi capables d’identifier une personne ou de détecter des comportements « indésirables », comme fumer, se battre ou traverser en dehors des clous à une centaine de mètres de distance.
Dans un pays qui compte en moyenne une caméra de surveillance pour trois habitants, le gouvernement chinois est le principal client de SenseTime. Il assurerait près de la moitié du chiffre d’affaires de l’entreprise qui est également derrière les lunettes connectées, équipées d’un outil de reconnaissance faciale que la police de Zhengzhou utilise depuis 2018. Problème, cette surveillance de masse inquiète, d’autant qu’en juillet 2019 SenseTime a déposé un brevet, pour une technologie permettant d’identifier les Ouïghours sur la base des traits communs aux visages des membres de cette ethnie du nord-ouest de la Chine. Depuis, l’entreprise est placée sur la liste noire américaine, ce qui l’empêche d’importer des composants et des technologies venant des États-Unis. Washington soupçonne que les caméras de reconnaissance faciale de SenseTime aient servi dans la surveillance et la répression policière des Ouïghours au Xinjiang.
« Le début d’année 2023 confirme la très bonne dynamique de toutes nos activités, avec une croissance organique du chiffre d’affaires en avance sur l’objectif annuel, tirée en particulier par les activités liées à l’aéronautique civile et à la biométrie. » Comme l’a souligné le CEO de Thales Patrice Caine en mai dernier, la biométrie est devenue ces dernières années une activité majeure pour le groupe de technologies et de défense français. Si, sur l’ensemble de l’année 2022, la division Identité et sécurité digitale ne représente que 20% du chiffre d’affaires de l’entreprise, elle affiche de loin la plus forte croissance (+21% entre les années 2021 et 2022), alors que les deux autres divisions du groupe, Aérospatial et Défense, n’ont progressé que de 5,4 et 6% respectivement.
C’est qu’en matière de biométrie, Thales est un peu partout. L’entreprise commercialise des systèmes de reconnaissance faciale, mais aussi de reconnaissance par empreintes digitales et au moyen de l’iris. La société a notamment vendu sa technologie Border Automated Biometric System dans de nombreux aéroports, comme ceux de Bogota El Dorado (Colombie), Londres Heathrow (Royaume-Uni) et Paris-Charles-de-Gaulle (France). Selon le cabinet MarketsandMarkets, le marché global de la biométrie aux frontières devrait s’élever à 2,1 milliards de dollars en 2023 et atteindre 3,9 milliards en 2028. Sur ce créneau, Thales est en concurrence avec le français Idemia (non coté), le néerlandais Sita (non coté), le portugais Vision-Box (non coté), l’allemand Secunet Security Networks ou encore le japonais NEC Corporation. En plus de travailler avec l’industrie du voyage, Thales déploie la biométrie pour des gouvernements, le secteur de la santé, des services financiers, l’industrie hôtelière ou encore pour des casinos et l’industrie du jeu. Une majorité d’analystes recommandent d’acheter le titre Thales qui s’est déjà apprécié de 10% depuis le début de l’année.